2 R 5, 14-17 Ps 97(98) 2Tm 2, 8-13 Lc 17, 11-19
Sauvés par la Gratitude
Dans sa lettre aux Éphésiens, saint Paul écrit : « C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu » (Ep 2, 8). En tant que faveur accordée librement, la grâce s’appuie davantage sur la générosité de celui qui l’accorde que sur le mérite de celui à qui elle est accordée. Dieu, dans sa miséricorde infinie, répand sa grâce sur nous tous. Dans ce cas, nous sommes forcés de poser des questions : pourquoi nous ne vivons pas tous selon la grâce ? Pourquoi le salut ne s’obtient-il pas automatiquement en vertu de la grâce ? A travers l’épisode de la purification de Naaman et la guérison des dix lépreux de l’évangile, nous tenterons de comprendre que la grâce, pour porter des fruits de salut, doit être reçue dans la foi et la gratitude.
Naaman, en acceptant d’aller se plonger sept fois dans le Jourdain, s’est dépouillé de tout ce qu’il avait comme fierté ; il a enfin compris que ni son titre (général de l’armée), ni son rang (riche), ni son origine (Aram, un royaume puissant à l’époque) ne pouvaient le sauver, sinon qu’une intervention miséricordieuse de Dieu. S’étant découvert si petit, si pauvre, si vulnérable, il devient capable de reconnaître la valeur de la grâce dont il a bénéficié, grâce qu’il a reçue dans la foi. C’est pourquoi il ne pouvait s’empêcher de rendre grâce à Celui qui lui a fait grâce : « Il n’y a pas d’autre Dieu, sur toute la terre, que celui d’Israël ». L’expérience de dépouillement que Naaman a faite est fondamentale dans l’accueil de la grâce. Si nous sommes déjà remplis de nous-mêmes, il n’y aura plus d’espace pour que Dieu agisse en nous. Et l’un des obstacles à l’accueil de la grâce est la prétention du mérite : je suis juif et l’autre est païen, je connais la bible, j’ai reçu les sacrements, j’ai une bonne conduite… Peu importe l’effort que nous faisons, il ne sera jamais à la hauteur de l’amour de Dieu pour nous : « La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs » (Rm 5, 8). En effet, au lieu de nous élever dans l’orgueil cherchant à ‘atteindre’ des faveurs par nos mérites, nous ferions mieux de nous vider pour accueillir la grâce du Seigneur avec un cœur reconnaissant.
Dans l’évangile, les dix lépreux ont fait la même prière, la même faveur leur a été accordée, pourtant un seul a accueilli véritablement la grâce. Et comme un symbole, c’est l’étranger qui est revenu auprès de Jésus en rendant grâce ; peut-être, reconnaissait-il qu’il n’avait aucun mérite, il s’est alors ouvert à la grâce. Les dix ont été guéris de la lèpre, mais seul celui qui a fait preuve de gratitude avait bénéficié de la grâce du salut : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé ». Mais pourquoi Dieu attend-il quelque chose en retour pour ce qu’il donne gratuitement ? La 4e préface commune du missel romain nous aide à répondre : « Tu n’as pas besoin de notre louange, et pourtant c’est toi qui nous inspires de te rendre grâce : nos chants n’ajoutent rien à ce que tu es, mais ils nous rapprochent de toi… ». Donc, la gratitude à notre Seigneur est plus que dire merci ou donner un témoignage de reconnaissance, elle est une adhésion de foi à l’amour de Celui qui fait grâce.
Enfin, pour revenir à l’affirmation de départ, nous croyons fermement que nous sommes sauvés par la grâce, mais aussi et surtout, par l’accueil dans la foi de la grâce, donc la Gratitude.
Pour les excès de votre amour, je n’ai point de retour, mais je veux chanter nuit et jour :
Deo gratias, Deo gratias, Deo gratias.
Grand Dieu, vous m’avez fait de rien, c’est de vous que je tiens tout bien.
Vous seul êtes tout mon soutien.
Deo gratias, Deo gratias, Deo gratias. (St Montfort, cantique 27, 2-3)
- Ekenley JEAN-NOËL (Tito), smm